Préface Laure Beaumont Maillet

« La peinture est un besoin pour moi…J’ai toujours voulu être peintre…Mes influences ? Rembrandt surtout, pour son trait _ Goya et Greco. La peinture toute nue…L’Espagne m’a ouvert les portes de la peinture »

Ainsi Jacques Reverchon professait-il son amour pour la peinture dans une lettre adressée à son ami, le critique d’art Pierre Cabanne, en février 1960. C’est pourtant essentiellement comme graveur qu’il atteignit la notoriété et passa à la postérité.

Né à Paris le 15 septembre 1921, il entra à l’École des Beaux-Arts et fut logiste à l’Académie de France à Rome de 1949 à 1951. L’année suivante, il obtint deux distinctions essentielles en gravure : un second prix de Rome, et le prix de la fondation Florence Bumenthal. Il fut ensuite pensionnaire ti la Casa Velasquez, ce qui lui permit de connaître l’Espagne dont l’influence le marqua à jamais. Devenu professeur de dessin et de gravure, principalement à L’École des Beaux-Arts de Tourcoing, où il arriva en 1962, il mourut prématurément à l’âge de quarante ans, le 21 mai 1968, terrassé par un malaise alors qu’il s’apprêtait, en proie à un profond désarroi, à regagner Paris, laissant derrière lui l’atelier qu’avaient déserté ses élèves, emportés par le tourbillon de la révolte estudiantine.

Il est toujours douloureux de voir disparaître trop tôt un artiste, mais le sentiment frustrant d’une promesse non tenue est contrebalancé par l’idée qu’il restera toujours jeune et en totale possession de ses facultés de découverte, de perfectionnement, d’émerveillement. Sa puissance d’expression était déjà parvenue à maturité, et l’œuvre gravé qu’il laisse est considérable.

Personnalité riche par sa rare dimension humaine et la diversité de ses dons, il était animé d’une foi invincible comme artiste et comme croyant. Heureux de vivre et de créer, sur le papier, la toile, le cuivre ou la pierre, il s’intéressait à tous les sujets, mais le meilleur de son travail lui a été inspiré par l’Espagne, terre farouche dont ses eaux fortes rendent à merveille les contrastes violents entre l’ombre et la lumière, expriment si bien la nature altière et fervente. Il était également sensible aux paysages nordiques, passait aisément d’un thème à un autre et menait souvent de front plusieurs travaux. Nous ne saurions non plus oublier ses estampes de caractère religieux, sur le thème de la Passion du Christ.

Jacques Reverchon n’avait pas choisi la facilité, et son œuvre gravé, quelle que soit la technique (taille-douce, eau-forte, ou lithographie) est tout entier contenu dans le mystère superbe et tragique du noir et blanc. Sa gravure est nerveuse, forte et noble, et il y a dans son travail quelque chose de la rigueur et de la spiritualité d’un Michel Ciry. De la gravure, technique âpre et pure, il disait qu’elle est « la goutte d’eau qui rince l’œil ».

Dès novembre 1952, Jacques Reverchon avait fait don au cabinet des estampes, conservatoire des arts graphiques depuis le XVIIe siècle, de quatre gravures. Il déposa régulièrement jusqu’en 1964, et au jour de sa disparition la Bibliothèque nationale possédait trente feuilles. Il avait préparé à son intention un ensemble de deux cent vingt sept estampes, qu’après sa disparition, selon le vœu qu’il avait formellement exprimé, il revint à ses parents de venir offrir en 1973 au département, alors dirigé par Jean Adhémar.

Que la famille de Jacques Reverchon veuille bien trouver, dans ces quelques lignes en guise de préface au catalogue raisonné de son œuvre gravé, l’expression de notre reconnaissance.

 

Laure Beaumont-Maillet

Directeur du département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque Nationale

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